Avant le départ:Depuis des semaines, les préparatifs vont bon train: contacts avec des donateurs potentiels, consultations de forums de voyageurs dont l'excellent
voyageforum, course aux vaccins et potions préventives, renseignements administratifs... bref, préparer la scène pour permettre aux acteurs du voyage de jouer leur opéra naturel...
Un grand merci à tous les "petits" donateurs d'habits et de matériel scolaire. Je me permets de les citer pour leur aide, d'autant plus qu'ils contrastent avec les "grandes" surfaces de Fribourg que j'ai contactées, et dont certaines n'ont même pas daigné envoyer une simple réponse. Eh oui, ça peut donner à méditer sur les valeurs des uns et des autres... Je remercie donc ma famille, mes collègues, l'imprimerie St-Paul et La Liberté, Fricopy, Baechler informatique [fin de pub!!!] qui ont contribué à me permettre de "remplir" ("bourrer" serait plus adéquat) ma voiture.
27 -28 mars, Fribourg-Sète (630 km):L'embarquement a lieu le mercredi 28 l'après-midi, donc déplacement la veille pour se la faire cool, aprés un départ un peu stressant... impossible de mettre la main sur mes comprimés anti-malaria! La voiture est déjà dans la colonne d'embarquement ce matin, et j'en profite pour faire quelques courses et savourer les derniéres heures européennes. J'avoue quand même un peu d'appréhension à aborder ce périple africain en solitaire. Mon principal soucis est la quantité folle de matos que je transporte, et que je ne pourrais pas emporter si un problème survient à mon carrosse...
28-30 mars, Sète-Tanger en bateau:36 heures de mini-croisière, avec une ambiance préparant merveilleusement à l'entrée dans le monde musulman, avec sa musique et la vie colorée de ses habitants. Traversée faite de rencontres de tous genres, comme ce français qui va faire la même route que moi, mais en 7 jours, ou ce groupe de jeunes que leurs éducateurs entraînent dans la solitude du désert en guise de thérapie, ou encore cette poignée d'allemands ventrus avec des caravanes tractées par des super-mercedes, sans oublier bien sûr tous les marocains qui rentrent au pays, et qui animent les soirées avec enthousiasme.30 mars, Tanger-El Jadida (430 km):Journée émaillée d'une succession de spots, je te la décris aussi avec des flashs:
Arrivée au port, formalités d'usages... mais contrairement à ce qu'on m'avait dit, le tout a duré plus de 3 heures. Fausses infos qui m'ont obligé de retourner sur le bateau pour faire un contrôle qu'on m'avait dit pouvoir effectuer après, douaniers complètement désorganisés qui courraient d'un véhicule à l'autre dans un hasard des plus aléatoires, ou seulement en apparence, parce que des rabatteurs qui recevaient un bakchich allaient leur indiquer quels véhicules contrôler en priorité... eh oui, on y est plongé tout de suite dans l'ambiance... bakchich, le mot magique... souvent prononcé aussi "cadeau"... ça fait partie du jeu et se pratique avec la meilleure des humeurs. Et même chez les douaniers... eh oui, je t'assure!!!
Pour rejoindre El Jadida, une autoroute très roulante, à condition de respecter les vitesses. 7 contrôles de vitesses, avec tout le comité d'accueil, ça peut faire cher le parcours. Certaines "grosses" voitures m'ont doublé à plusieurs reprises, je les repassais aux contrôles. Soit ce sont des gens qui savent marchander ou ont des passe-droit, soit ils considèrent qu'il y a le tarif normal pour les gens qui respectent les vitesses (env 20 Frs en tout de péage), soit ils décident
que les amendes sont un tarif supplémentaire pour aller plus vite... mais juste plus vite, pas plus rapidement, au vu des haltes forcées...
El Jadida, superbe ville avec un ancien bastion portugais. Animation complètement folle le soir, souks et marchés de rue surpeuplés... on est bien en Afrique, j'aime ça... ses odeurs, ses saveurs, cette frénésie, cette "anarchie organisée". Je suis descendu à l'hôtel Royal, conseillé par le
Routard. Accueil très sympa, avec le fils du patron qui m'a emmené vers un petit garagiste du coin pour faire un ultime contrôle de routine au véhicule avant de foncer vers le Sud.
Je souhaite de bonnes vacances à mes collègues. Merci à ceux qui m'encouragent par leurs messages...
31 mars - 1er avril, El Jadida - Guelmin (750 km):
Le matin du 31, petite ballade dans la ville, puis une bonne partie de la matinée à travailler sur les images et à compléter le blog. Ensuite, une vidange de la voiture, ce qui m'a amené jusqu'à l'après-midi. Je voulais rester sur place encore un jour, pour acheter un billet d'avion pour le retour à l'agence d'Air Maroc... damned, c'est fermé pour 3 jours, fête musulmane oblige. Donc, départ vers le Sud, où j'ai fait étape à Safi après 250 km env. Copieux repas (le seul de la journée, je pense que j'vais perdre des kilos!!!), et connaissance avec un mec complètement déjanté, un ancien militaire des services secrets français... Je me suis donc régalé dans tous les sens du terme, culinaire et anecdotique.
Dès le matin du dimance, route prévue pour toute la journée. Quelle horreur, une bêtise de débutant, j'ai oublié de faire le plein, et me rends compte que je n'arriverai pas à la prochaine station certaine avec ce qui me restait. Fête oblige, toutes les stations de petits patelins sont fermées. Décision, retourner après 30 km... et ouf, une station ouverte. Petite heure de perdue, mais quel soulagement. Je craignais déjà de devoir poirauter 2 jours!
La route, peu agréable. Entre les nids de poules, les limitations fantaisistes à 60 km/h sur de lignes droites et les zones de cols, impossible de faire plus de 50 à 60 à l'h de moyenne, d'où une journée entière pour parcourir 500 bornes.
Mais alors, quel spectacle. Je suis au cinéma, l'écran étant le parbrise, et le film une succession de plans sublimes d'une nature toujours plus sèche. Jusqu'à arriver à la porte du désert, tout près de Tan Tan, dans un patelin nommé Guelmin.
Soir de fête musulmane encore, féérie de vêtements tous plus gracieux les uns que les autres,
portés par des véritables fées, la plupart bèrbères... je pars de ce pas continuer à admirer cette magie....
Au fait, c'est vraiment cool les messages que vous m'envoyez, ça fait chaud au coeur (oups, bien qu'ici, c'est pas vraiment le froid polaire!!!).
Voilà, je suis aux portes du désert...
2 avril, Guelmin - Laâyoune (450 km)
Qu'écrire pour transmettre cette sensation d'immensité, cette route qui nous plonge dans un autre monde, minéral, aride, presque mystique ? Les dunes aux formes si féminines caressant la route, le vent qui déssèche la gorge, le désert épousant les lignes de la mer, à moins que ce ne soit l'inverse... L'approche pour arriver jusque-là était longue, belles étapes de découvertes, mais rien de tel que cette progression qui ressemble à un chemin initiatique.
Des kilomètres de solitude dans ces espaces, et soudain, après de multiples panneaux qui nous les annonçaient, un troupeau de dromadaires... il faut vraiment être attentif, ils "sautent" sur la route! Plus loin, un marcheur solitaire, mais où va-t-il? Le prochain patelin se trouve à des dizaines de km... mystère!!! Un virage, et dune tire sa langue sur l'asphalte. On a les congères de neige, ici c'est le sable... même effet! Et régulièrement, positionnés très arbitrairement, des contrôles policiers. J'en ai passé 4 ou 5, dont un particulièrement pénible, avec un petit "merdeux" qui devait s'être fait engueuler par je ne sais qui... Il s'amusait vraiment à me prendre pour un con, et t'as avantage à te la coincer, sinon tu te le coltine pendant des heures!!
Sinon, tous les autres, très cool et souriants.
Je me suis arrêté à Laâyoune, grande ville du Sahara Occidental, ou plus présisément à sa ville-côtière. Je pense qu'ils ne doivent pas voir tant de touristes ici, presque personne ne sait le français d'ailleurs. C'est la fête de l'anniversaire de naissance du Prophète, donc presque tout est fermé. Je me régale d'un plat traditionnel dans une gargotte qui ne l'est pas moins... excellente tajine! Laâyoune est bourré de militaires et de soldats de l'ONU, étant la base des forces de paix faisant la lutte contre le front de libération du Sahara Occidental... mais tout s'est bien calmé depuis quelques années.
3 - 5 avril, Laâyoune - Nouakchott (1300 km)Eh ben!!! ça fait 3 jours que je cherche un cyber qui fonctionne autrement qu'à la pédale... Enfin trouvé. C'est la réalité de ce qu'on appelle la fracture numérique!
Donc, 3 étapes d'un seul coup, et quelle étapes, mes amis!!!
Les 2 premières, le 3 et le 4, m'ont conduit au travers le désert du Sahara Occidental. J'ai fait halte à Dakhla, sur une péninsule. Inutile d'essayer de décrire les paysages traversés, c'est intranscriptible. Si tu aimes admirer les fresques que la nature dessine sans cesse, tu ne peux qu'être aux anges! En tout cas, je jubile tout seul dans mon carosse... sourire...
L'après-midi du 4, passage de la frontière Maroc-Mauritanie. Il faut franchir un no-man's land d'env 4-5 km, sur une piste cahoteuse, sans aucune indication, et plein de risques de se perdre dans des culs-de-sacs en terrains minés (paraît que des anglais ont "explosé" l'année passée). Donc, prudemment, je me suis mêlé à une file de voitures qui attendaient. Intrépide oui, mais débile, non!
2 heures et demie de tractations, de palabres, d'attentes que les douaniers aient fini de m
anger, de re-palabres plus tard, je me trouve en Mauritanie, destination Nouadibouh, à l'extrême nord, pour passer la nuit.
C'est au petit matin de ce jeudi 5 que je prends la route pour Nouakchott, où se trouve enfin ce cyber!
Je dois encore passer à la sécurité nationale pour prolonger mon visa, qui n'est plus octroyé que pour 3 jours à la frontière, ce qui ne me suffit pas pour la route de l'espoir, vers l'est, vers le Mali.
Hier, quelques éléments symboliques ont été franchis.. d'abord le tropique du Cancer, puis le 3ème mille km de route (je ne compte pas le bateau), qui correspond à peu près à la mi-parcours. Eh oui, j'ai passé la moitié... oulala que c'est long! Mais si magnifique. Tiens, si hier je traversais des paysages lunaires, ce matin, c'était carrément vénusien... serpent sillonnant entre les dunes, un vent fort souffant du sable sur la route comme un voile éphémère... c'était presque un peu angoissant parfois...
Après ce long périple le long de la côte, les prochaines étapes vont me diriger vers l'intérieur. Jusqu'ici, que de bonnes sensations. La priorité est au spectable des paysages. C'est pratiquement impossible de faire des rencontres, quand on passe si furtivement. Quelques mots échangés avec d'autres baroudeurs le soir en mangeant, et c'est tout. Pour les contacts avec les locaux, il faut rester plus longtemps, et ce sera l'aspect de la deuxième partie, au Burkina Faso.
Je vais traiter les images de ces derniers jours ce soir, et si je suis encore ici demain (tout dépend des papiers), je les mettrai en ligne. Sinon, j'attendrai de trouver un cyber ok sur la route de l'espoir, qui porte bien son nom dans ce cas... sourire...
Amitié à tous ceux qui me suivent de loin, je vous envoie un peu de ce rêve éveillé... le seul élément vraiment réel étant ce cordon d'asphalte de 7 m de large qu'il vaut mieux suivre scrupuleusement...
Ceci dit, entre nous, il y a quand même quelques moments où la solitude pèse un peu, surtout le soir, aux étapes, à table... surtout qu'ici, on ne peut même pas se désaltérer avec une bière, dans ce pays scrupuleusement coranique.
6 avril, Nouakchott - Kiffa (650 km):C'est parti pour l'intérieur des terres, plein Est, direction la chaleur, le long du Sahel. Le ruban de bitume se déroule très bien, entouré d'images superbes, encore et encore...
dunes, steppes... Avec toujours ce même problème, rester concentré pour éviter les pièges surgissant à tout moment, surtout quand on ne s'y attend pas, chameaux (ils disent tous chameau, mais en fait ce sont des dromadaires), vaches, chèvres... ah celles-ci, elles ont des réflexes vraiment inattendus, tu ne sais jamais dans quel sens elles vont courrir, ce que c'est con une chèvre!!! J'ai failli en exploser 2, mais
on n'a pas choisi le même
itinéraire, tant mieux pour elles. Quant aux chameaux, on a largement le temps de les voir venir, ces seigneurs du désert, majestueux, à la démarche tranquille et fière... par contre, inutile d'espérer les voir s'arrêter quand ils ont décidé de traverser! Les plus cool, ce sont les ânes. Ils restent plantés sans broncher, nullement effrayés par le passage des voitures, placides, vas-y que j'te pousse!!! Tous n'échappent pas au massacre, les bords de routes sont jonchés de cadavres pourrissant au soleil, et ça se sent!!!
7 avril, Kiffa - Bamako (850 km):Quelle étape de merde, excuse-moi de l'expression. Une route bourrée de nids de poules entre Kiffa et Ayoun, où sur 40 bornes, on doit pratiquement rouler au pas. J'en ai bousillé mes
amortisseurs, d'ailleurs, peu de voitures les ont intacts. Avant Ayoun, un moment de répit, dont la partie de route superbe qu'ils ont construite pour rejoindre le Mali. Où ça se gâte, c'est après Dieni, où la construction de la route avance, certes, mais il reste environ 80 km de tôle ondulée. C'est une horreur, mais haletant à la fois. Est-ce que la voiture va exploser, une pièce tomber?
Tellement ça secoue. Il faut rouler à plus de 60 km/h pour rester sur le sommet des ondulations, sinon c'est encore pire... mais à cette vitesse, la route, que dis-je, la piste devient une savonette. Difficile de décrire l'ambiance quand on croise un camion à vive allure, qui laisser tant de poussière qu'on roule à l'aveugle pendant quelques dizaines de mètres. 1h et demie de calvaire, avec une satisfaction d'être arrivé au bout, ouf, une respiration, plus que quelques hectomètres, et hop, catastrophe. Une barrière fermée au milieu de nulle part, sans avertir. Heureusement que j'étais pas à plus de 40 à l'heure, mais impossible de l'éviter sur ce sable. Résultat, je me la suis prise en plein pare-brise. Briqué ! Obligé de l'enlever. Avec l'aide de quelques locaux qui ont fourni le marteau, on a éliminé cette vitre protectrice. Que faire? J'ai choisi de finir sans pare-brise, sur les 800 km qui me restent jusqu'à Bobo-Dioulasso. Mais étape à Bamako, où je suis arrivé vers 22h, et trouvé une piaule après avoir déambulé au hasard de cette ville énorme, et dont je te laisse imaginer l'ambiance et la facilité de circuler. Je me suis enfilé 3 grandes bières avant d'aller roupiller, en espérant que personne n'allait piller mon matos, puisque la voiture était bien sûr ouverte... mais pas de problème, des gardiens de l'hôtel veillaient. Eh oui, c'est aussi ça ce genre d'aventures... ça aurait pu être plus grave, donc soulagé quand même.
8 avril, Bamako - Bobo Dioulasso (600 km):A part le fait de rouler sans protection, donc comme si j'étais en moto, et bien sûr une attraction dans les villages traversés, la route est superbe. En plus, il est interdit de rouler sans pare-brise au Mali, et j'ai passé de longs moment de palabres aux nombreux postes de contrôles de gendarmerie... à l'africaine... t'attends qu'ils prennent une décision, que tu espères positive. Dans un premier temps, on te dit de laisser le véhicule sur place... alors
attente, re-palabre, faire l'humble, essayer de plaisanter, attendre encore.. soudain, un éclair dans le cours des discussions... quand j'ai dit que j'emmenais du matériel pour une école, sourire du boss du poste, et en un clin d'oeil, tous ses sbires ont été mis à l'ordre, "laissez-le passer, il aide l'Afrique"... ouf!! Après, en relatant cet épisode aux prochains contrôles, j'ai réussi à les persuader de laisser passer aussi, mais oulala que c'est un apprentissage de la négociation super efficace.
Quelques km encore, et c'est la frontière du Burkina Faso. Là, pas de problème (plein de formalités, bien sûr, mais je pouvais continuer, c'est l'essentiel).
C'est en fin de journée que je me suis pointé dans la cour des Ouatara, la famille où je passe quelques jours avant de partir sur Banfora. Le temps de régler les formalités pour le don de la voiture à Idrissa (on le voit avec sa famille sur la photo), et surtout de réparer le pare-brise.
Voilà la fin de cette route, après 5800 km de parcourus. Plein d'images! plein de souvenirs de passages furtifs!
Maintenant, 2 semaines de vie avec eux, à Bobo et à Banfora...